Tout d’abord, comprenez bien que mon but n’est pas de vous convaincre de quoi que ce soit, mais seulement de susciter en vous des questionnements.
Tout comme le féminin et le masculin, l’irrationnel ( plutôt lié au coeur ) et le rationnel ( lié au mental ) occupent tous deux une place prépondérante en nous, que nous le reconnaissions ou non. La question n’est bien sûr pas de faire un choix entre l’un ou l’autre de ces deux pôles, mais bien de les apprivoiser, afin de favoriser une cohabitation harmonieuse dans la complémentarité, évitant ainsi toute lutte intérieure stérile.
De nombreuses personnes vivent un conflit de taille, les amenant à renier, souvent par peur, tout ce qui touche à l’irrationnel. L’être humain est ainsi fait qu’il a besoin de se rassurer, et que ce qui est connu et démontré l’accompagne plus volontiers dans ce sens. Par peur, il nourrit souvent son aspect cartésien, écrasant alors tout ce qui n’est pas physiquement démontré. C’est une manière de se raccrocher au connu.
L’inexpliqué dégage un parfum de sensationnel, attirant de nombreux médias qui cherchent à faire de l’audience ou à gagner des lecteurs, méprisant souvent le sujet traité. Diverses émissions télévisuelles plutôt affligeantes opposent dans les pires clichés réducteurs les défenseurs extrémistes du rationnel et de l’irrationnel, n’apportant absolument rien de constructif, caricaturant et ridiculisant le thème abordé. D’autres organismes et sites internet dénigrent en masse, tels des justiciers, tout ce qui leur échappe, brassant une soupe nauséabonde de propos contradictoires…
Et pourtant il n’y a aucune compétition ou contradiction entre ce qui est expliqué et ce qui ne l’est pas. La science a fait de grands pas, décrivant à sa manière de nombreux phénomènes qu’elle qualifie ensuite de scientifiques. Il faut se rappeler que bon nombre de théories que nous croyons solides ne sont bâties que sur des suppositions considérées au fil du temps comme acquises. L’être humain a l’art de bâtir des châteaux forts sur des sables mouvants.
Le terrain médical est un bon exemple : l’industrie pharmaceutique laisse penser que ses avancées sont purement scientifiques. Mais elle reste discrète sur le fait que bon nombre de ses grandes découvertes ont été le fruit de drôles de hasards, de recettes empiriques ou d’expérimentations secrètes sur l’animal et parfois l’être humain. A titre d’exemple, un médicament censé traiter des problèmes cardiaques s’est avéré, il y a quelques années, être un remède efficace contre les dysfonctionnements érectiles. La neurologie par exemple se fonde sur bon nombre de supposions plus ou moins confirmées par la pratique. De grandes polémiques subsistent toujours dans le monde médical concernant le fonctionnement du cerveau par exemple, et de nombreux cas pratiques de patients vont à l’encontre des théories médicales échafaudées.
Bref, loin de moi l’idée de faire le procès de l’industrie pharmaceutique ou du monde médical. Mais il faut juste se rendre à l’évidence que la science repose sur un nombre incalculable d’inconnues et de suppositions, et cela nous ne pouvons le contester. On peut donc constater que pour découvrir et comprendre ce qui nous échappe, il faut commencer par accepter l’irrationnel, non pas dans l’aveuglement, mais dans la subtilité et le discernement. Tous les grands découvreurs ont commencé par accepter que tout n’était pas démontré scientifiquement. Ils ont accepté ensuite de prendre du recul sur les acquis et de remettre en question de nombreuses théories bien implantées.
Il est bien sûr réducteur d’associer l’être humain à une structure purement biologique quand tant d’aspects nous échappent. Plutôt que de reconnaître sa complexité et sa subtilité, certains ont préféré le dénigrer, convaincus de pouvoir le surpasser par des modèles informatiques. Par exemple, en terme de comparaison technique et biologique, l’informatique a atteint aujourd’hui des records en matière de vitesse et de capacité de stockage, de quoi faire pâlir de nombreuses théories simplistes relatives au fonctionnement du cerveau.
Et pourtant aucune machine informatique, aussi puissante soit-elle, n’est capable aujourd’hui d’éprouver un sentiment, d’effectuer un choix éthique ou de composer de manière autonome une musique ou un texte inspiré. Pour que l’informatique soit performante, il faut toujours que l’homme la programme, définissant ainsi une manière rigoureuse, conditionnée et cadrée de travailler. L’informatique est donc un outil permettant d’effectuer à une vitesse prodigieuse un travail défini par l’être humain, mais rien de plus. Aucun ordinateur aussi puissant soit-il ne pourra jamais choisir en conscience, car il ne sait qu’appliquer des directives établies. Même s’il est un outil précieux et complémentaire, nous ne fonctionnons pas à son image, mais bien en tant qu’être vivant doué d’intelligence.
Ceci pour dire que même si l’homme a cherché ces dernières décennies à construire la machine à son image, leurs manières de fonctionner restent essentiellement différentes, mais toutefois complémentaires. Moi-même de nature plutôt cartésienne à la base, j’ai été amené à reconnaître de nombreux faits irrationnels, même s’ils ne sont pas ( encore ) expliqués. Sans besoin de preuves, j’accueille l’irrationnel avec discernement et je prends ce qui fonctionne sans acharnement à le démontrer et sans besoin de l’imposer.
Considérer que le rationnel est l’ennemi de l’irrationnel n’est qu’une impasse menant à l’enfermement, nourrissant le besoin de défendre l’un ou l’autre des aspects. L’ouverture est la seule voie permettant d’avancer de manière constructive. Toutes les grandes découvertes se sont faites dans l’humilité et la remise en question, pour finalement démontrer scientifiquement des phénomènes qualifiés quelques années auparavant de sorcellerie.
Une fois de plus ce n’est pas dans la division, mais bien dans l’union de ces deux pôles que l’être humain peut avancer dans sa quête d’absolu.