Mon besoin d’authenticité et mon allergie aux partis religieux m’ont amené il y a quelques temps déjà à faire le pas de quitter l’institution humaine baptisée “église catholique romaine”. Dans un esprit de partage, je choisis de publier en lettre ouverte ce courrier adressé en début d’année 2007 à Monsieur Bernard Genoud, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg.
Mon courrier à Bernard Genoud
Monsieur Genoud,
Ceci sera ma première et ma dernière lettre. N’y voyez pas une attaque personnelle, mais simplement le besoin de vous faire part d’un choix, ainsi que de mon regard sur l’église catholique. Je vous remercie donc d’en prendre connaissance en y consacrant quelques minutes.
Je commence par me présenter brièvement. Après avoir créé, développé et dirigé une entreprise d’informatique durant 15 ans ( Baechler Informatique que vous connaissez bien ), j’ai choisi de la revendre afin de m’accorder du temps et d’en consacrer aux autres de diverses manières. Parmi de multiples activités, j’accompagne à ce jour des personnes en fin de vie dans le cadre de l’unité de soins palliatifs de Châtel-Saint-Denis et je visite également des détenus en milieu carcéral. Ces activités m’ont amené à de grandes remises en questions et mon regard sur la vie en a été chamboulé.
Depuis ma plus tendre enfance, je suis habité par la conviction profonde que la vie ne commence pas à la naissance et qu’elle ne se termine pas à la mort. Dans ce sens, je suis profondément croyant, mais je ne peux adhérer à un quelconque système, parti religieux ou mouvement sectaire ne défendant pas des valeurs universelles, prétendant détenir l’unique vérité et condamnant ainsi toute autre manière de penser.
Vous l’aurez compris, je suis allergique à tout parti, qu’il soit religieux ou politique. Je ne ressens pas le besoin de passer par un homme d’église ou une quelconque organisation afin de rejoindre le divin. Je consacre une partie de mon temps à prier, méditer et à apprécier la paix qui règne dans bon nombre d’églises en dehors de toute cérémonie. Je ne renie en rien Jésus et ses messages d’Amour. Je pense juste qu’en 2000 ans, l’homme et les plus hautes instances religieuses n’ont fait que filtrer, déformer et interpréter ses paroles à des fins de pouvoir.
Le temps m’a amené à comprendre que le Vatican se soucie bien peu des fidèles qui désertent en masse ses églises. Malgré des chiffres révélateurs et alarmants, leur souci consiste finalement à défendre des points de vue toujours plus élitistes et intégristes, se moquant bien des insatisfaits. Jésus était près du peuple, mais pas le Vatican ! Ceci est un mépris, autant pour les membres de l’église que pour les prêtres qui sont écartés lorsqu’ils tentent impuissamment de faire preuve d’ouverture ( j’en connais ! ).
En ouvrant mon dictionnaire, je peux y lire : “Sectaire ( du latin secta, venant de sequi, suivre ) : Se dit de quelqu’un qui, par intolérance ou étroitesse d’esprit, se refuse à admettre les opinions différentes de celles qu’il professe”. Ceci me laisse songeur quand je pense à l’église catholique…
Aussi, je vous fais part de ma décision de quitter l’église catholique, non pas pour des raisons financières et encore moins pour rejoindre un quelconque autre mouvement de pensée. Je le fais par besoin d’authenticité et par désaccord profond face aux valeurs prônées par un Vatican grabataire.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire et de bien vouloir faire suivre ma demande à qui de droit. Ne vous sentez pas l’obligation de me répondre ou de vous justifier. Je tenais simplement à vous faire part personnellement de ma réflexion et de la décision mûrement réfléchie qui en découle.
Veuillez agréer, Monsieur Genoud, mes respectueuses salutations.
Cordialement.
André Baechler
Commentaires suite à la publication de ce courrier à Bernard Genoud
La publication de ce courrier en lettre ouverte a déclenché de nombreux mouvements, qu’ils soient médiatiques ( j’ai été invité à témoigner par la radio, télévision suisse romande, presse écrite, … ) ou personnels ( j’ai été contacté par de nombreux adeptes insatisfaits de l’église catholique romaine ).
Même si ma démarche personnelle n’a jamais été dans le sens de militer pour les sorties d’église, et encore moins pour un rejet en bloc des valeurs prônées par les partis religieux, je me rends compte par les importants contacts qui en ont découlé, qu’elle a amorcé à l’échelle francophone de nombreux retraits de personnes ne s’identifiant plus à une église prônant à sa tête des valeurs extrémistes et en décalage avec leurs convictions profondes.
Les médias qui m’ont approché m’ont tous fait part de leur grande difficulté à recueillir des témoignages de personnes ayant quitté l’église. Cela démontre bien à quel point la peur du “qu’en dira-t-on” est présente, comme si le fait de manifester sa non-appartenance à un système désuet était quelque chose de honteux, d’inavouable, quelque chose que l’on cache, sans oser l’assumer.
Ceci m’a beaucoup interpellé. Pourquoi est-il si difficile d’affirmer son rejet d’une institution humaine, d’un parti religieux qui est en profond décalage avec ses convictions personnelles ? Il règne en fait une culpabilité souvent immense, une culpabilité découlant d’une certaine éducation religieuse et sans doute d’un héritage encore bien plus ancien que certains baptiseront “inconscient collectif” ou encore “mémoire collective” : il s’agit de la culpabilité cumulée par toutes les générations passées, auprès de qui les croyances religieuses ont été inculquées par la force et dans la peur. Difficile aujourd’hui de se délester d’un tel héritage, si profondément ancré en chacun de nous. Difficile de retrouver sa propre foi, de se connecter à son essence ensevelie sous un tel poids. Difficile, mais pas impossible…
Aussi, je ne vous invite pas par ma démarche à quitter un quelconque mouvement religieux, mais seulement à être en accord profond avec vous-même, à oser vous aligner sur votre essence, sur vos convictions profondes. Rencontrez ce qui vous appartient ( votre foi ), ce qui ne vous appartient pas ( les croyances imposées ) et faites le tri. Rencontrez les peurs qui en découlent et si l’étiquette ne colle plus, laissez-la s’envoler. Ce n’est jamais l’étiquette qui fait le contenu. Plutôt que d’être une bouteille vide parmi tant d’autres, recouverte d’une même étiquette, entassée dans un même cageot, parmi tant d’autres cageots… soyez vous-même, simplement, et brillez de votre essence, de votre propre lumière. La lumière brille de l’intérieur, elle est unique, divine et n’a besoin d’aucune étiquette pour la teinter ou la révéler.
© 2008 – André Baechler